
Quelle protection pour un monde autonome ?
May 13, 2018
Ecrit par Nancy Bewlay
Directrice internationale de la souscription, Responsabilité civile
La société est-elle prête à vivre dans un monde autonome ? Qu’elle le soit ou non, l’autonomie fait déjà partie de notre quotidien –et ce depuis déjà quelques temps. La véritable question, pour les professionnels du risque, est la suivante : le marché de l’assurance est-il, quant à lui, prêt ? Alors que la société découvre les avantages –et les risques– de l’autonomie et de ses implications, nous devons nous préparer à résoudre les problématiques assurantielles qui en découlent.
Comme pour toute technologie, avant que des produits et des services ne soient disponibles aux consommateurs, les premières applications sont mises en œuvre dans le domaine industriel. Ce fût le cas pour l’intelligence artificielle et la robotique, et c’est certainement le cas pour les machines autonomes. Ces technologies sont déjà utilisées, du moins dans une certaine mesure, dans les domaines de la logistique, de la construction, de l’agriculture, de la manufacture, du transport –et, bien entendu, dans le domaine des véhicules autonomes, dont on parle beaucoup ces derniers temps. Ces technologies ne sont donc pas nouvelles –mais elles le sont pour nous autres assureurs.
Un changement de paradigme et de nouveaux défis
Ces technologies, que certains de nos clients sont en train d’adopter, amènent un changement de paradigme dans la manière d’aborder les questions liées à la responsabilité –et représente un défi pour nos systèmes judiciaires qui, traditionnellement, se basent sur la causalité. Qui a causé un dommage corporel, une perte d’exploitation, etc. ? Et qui, donc, est responsable ?
Jusqu’à récemment, on construisait des machines dans un but très précis –elles étaient un simple outil de travail. Ces machines étaient bêtes et ne pouvaient pas apprendre par elles-mêmes ou d’autres machines. Elles n’avaient aucune responsabilité puisqu’elles étaient incapables d’agir de manière autonome. Lorsqu’une erreur se produisait, on pouvait déterminer s’il s’agissait d’un défaut de programmation ou bien d’un problème d’exécution. Cela permettait, en cas de défaillance, de facilement identifier le parti responsable.
Aujourd’hui, les machines dîtes intelligentes ou autonomes ont la capacité d’apprendre de leurs propres actions voire, même, d’autres machines. Et plus elles sont autonomes, moins elles agissent sur la base d’instructions prédéfinies, et plus elles se réfèrent simplement à un jeu de règles potentiellement établi sans que les circonstances spécifiques dans lesquelles la machine opère aient pu être anticipées. Il devient donc plus difficile de savoir si leur comportement est le résultat de leur programmation ou bien de leur apprentissage.
Les machines autonomes vont défier les modèles existants de la responsabilité civile. La plupart des systèmes judiciaires à travers le monde s’appuient sur la causalité pour déterminer le responsable d’éventuels dommages. Il sera de plus en plus difficile de savoir si ceux-ci devront être attribués à la conception de la machine ou à la machine elle-même. D’où l’émergence d’une zone de flou qui défie, outre le législateur, nos garanties d’assurance traditionnelles.
Dans le contexte juridique actuel et au vu des activités de nos clients, leur adoption de ces technologies n’est pas sans risque et, si un incident devait se produire, les frais de défenses de ces entreprises, en particulier eu égard à la responsabilité civile générale et professionnelle –qui vont de pair avec le développement et l’adoption de l’autonomie– pourraient être des plus élevés.
Une nouvelle forme de protection
Il s’agit donc d’un domaine nouveau, surtout pour les professionnels du risque –mais d’un domaine que nous étudions de près. Nous avons noué un partenariat avec –l’un des leaders mondiaux de la robotique mobile– et sommes le seul assureur à participer au consortium –un projet financé par le gouvernement anglais et dédié au développement des véhicules autonomes. Ces initiatives nous ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de ces technologies et leurs implications en termes de gestion du risque, et ainsi d’être en mesure d’accompagner leurs concepteurs, les entreprises et la société dans la création et l’adoption d’un monde autonome.
En avril dernier, DRIVEN a procédé à une démonstration de sa flotte de véhicules, capables d’interagir et d’apprendre l’un de l’autre. A terme, ces véhicules échangeront des données afin que chacun d’entre eux puisse mieux planifier son itinéraire, identifier et éviter des dangers sur la route et, de manière générale, anticiper ses conditions de conduite. Pour l’instant en opération dans Oxford et ses alentours, ces véhicules s’élanceront entre Oxford et Londres l’année prochaine. Nous contribuons à ce projet est développant un outil d’analyse du risque qui permettra à l’utilisateur du véhicule de prendre de meilleures décisions quant au niveau d’autonomie et à la vitesse à adopter, en fonction d’un certain nombre de paramètres.
Selon nous, les questions que se posent Oxbotica et le gouvernement anglais –via cette initiative– sont pertinentes. Qui est responsable ? Quelles considérations doit un gouvernement prendre en compte ? Quels risques faut-il absolument pouvoir contrôler ? Où est la limite entre public et privé, en ce qui concerne les données collectées par ces véhicules intelligents ? Nous estimons que ce type de démarches collaboratives et le développement de ces technologies sont absolument passionnants et nous sommes ravis d’y contribuer.
Nous assurons déjà un certain nombre de projets « pilotes » dans le domaine de l’autonomie ; parmi lesquels un projet que va mener l’aéroport de Gatwick. Ce dernier vient d’annoncer vouloir déployer une flotte de véhicules autonomes sur ses pistes pour transporter ses employés, dans le but de démontrer que ces véhicules sont capables d’opérer –en toute sécurité– dans un environnement complexe où une multitude de véhicules opèrent, dans toutes directions et sans nécessairement suivre d’itinéraires préétablis.
Un impact positif sur la société
Nous sommes convaincus que les technologies autonomes vont non seulement fondamentalement révolutionner le le secteur du transport et de la logistique, mais également sécuriser certains environnements, accroître la mobilité des ceux qui en ont le plus besoin, transformer des vies, et le monde de l’entreprises :
- On estime que parmi les accidents de la route mortels s’étant produit en 2017, 40 000 étaient dus à une erreur humaine. Cette statistique pourrait drastiquement diminuer grâce à l’introduction des véhicules autonomes ; ces derniers permettront également d’améliorer la mobilité des individus qui ne sont pas en mesure de conduire en raison d’un handicap.
- L’OSHA (Occupational Safety and Health Administration) rapporte qu’on a enregistré aux États-Unis en 2016, 4 693 décès sur le lieu de travail et 2,9 millions d’accidents dans l’industrie. L’autonomie pourrait permettre de sécuriser de nombreuses activités à haut risque. La grande distribution et l’industrie pharmaceutique utilisent par exemple de plus en plus de d’entrepôts automatisés –dits « dark warehouses » puisqu’ils ne nécessitent pas de lumière– plutôt que d’imposer à leurs employés des conditions de travail dangereuses ou difficiles, par exemple lorsqu’il s’agit d’entrepôt frigorifiques ou de congélation.
- Il existe un certain scepticisme quant à l’impact de ces technologies sur l’emploi. Selon certains observateurs, cependant, l’autonomie devrait entraîner une redistribution et une redéfinition des types d’emplois et compétences nécessaires au bon fonctionnement des entreprises, et nous encourager –tous– à imaginer de nouveaux business models et à accompagner les employés qui devront acquérir de nouvelles compétences. predit que la prochaine vague de technologies autonomes engendrera une activité économique équivalente à 7 000 milliards de dollars d’ici à 2050.
Soutenir l’adoption des technologies autonomes
Il va sans dire que les technologies intelligentes –et notamment les véhicules autonomes– vont bouleverser certains secteurs d’activité au cours des 20 prochaines années, mais le potentiel est énorme. L’autonomie va rendre certains environnements plus sûrs, permettre à ceux qui en ont le plus besoin d’être plus mobiles, et révolutionner le monde de l’entreprise.
Parce que nous sommes convaincus des avantages sociétaux de l’autonomie, nous avons décidé de mettre en place une solution assurantielle visant à soutenir l’adoption de ces technologies, en particulier en assurant les projets pilotes qui vont permettre de faire avancer son développement, dans l’entreprise et dans le secteur industriel.
En travaillant avec certaines des entreprises qui sont le plus en avance sur leur temps, nous avons réalisé qu’il y a autant de manières d’utiliser l’autonomie qu’il y a d’entreprises, et que chacune nécessite une approche sur-mesure. Nous offrons désormais une solution structurée, multi-branche, permettant de couvrir les risques associés à la conception, au développement, au test et à la mise en application de systèmes autonomes.
Le travail de fond que nous avons mené ces dernières années pour améliorer notre compréhension de cette technologie –au travers de notre partenariat avec Oxbotica– et le large éventail de classes d’assurance dans lesquelles nous opérons nous confèrent une position privilégiée, dans le secteur, pour être en mesure d’assurer l’autonomie. Et parce que de plus en plus de nos clients commencent à incorporer ces technologies à leurs opérations, nous sommes prêts.
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