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Ressources et outils :

Ecrit par

Head of Aerospace Underwriting, France, AXA XL

À 10 000 mètres d’altitude, la gestion des risques repose sur bien plus que la technologie, la formation ou les check-lists. Le véritable joker, c’est le cerveau humain. Comment les pilotes réagissent-ils sous pression ? Que se passe-t-il lorsque la charge mentale dépasse un certain seuil ? Et comment concevoir des systèmes capables de soutenir les capacités cognitives humaines au lieu de les fragiliser ?

Ce sont ces questions qui nourrissent les travaux du professeur Frédéric Dehais, titulaire de la chaire de Neuroergonomie à l’ISAE-SUPAERO de Toulouse. Ce neuroscientifique cognitif est l’un des fers de lance d’un champ de recherche émergent : la neuroergonomie, une discipline qui applique les principes des neurosciences pour améliorer la performance humaine dans des environnements complexes. Grâce à des outils de surveillance cérébrale, au sol mais aussi en vol pour plus de réalisme, son objectif est de mieux comprendre et réduire les risques cognitifs à l’origine des erreurs humaines en aviation.

Ses recherches, soutenues par le Fonds AXA pour la Recherche, ont des retombées concrètes sur la manière dont nous appréhendons le facteur humain dans les systèmes critiques. Résultat : une aviation plus sûre, plus intelligente, et plus humaine.

Neuroergonomie : comprendre les risques cognitifs pour limiter les erreurs humaines

Apparu au début des années 2000, le terme neuroergonomie résulte de la fusion entre « neurosciences » et « ergonomie ». Là où l’ergonomie classique s’intéresse à la conception physique des postes de travail (sièges, interfaces, contrôles…), la neuroergonomie s’attache au fonctionnement du cerveau dans des contextes réels : conduire une voiture, gérer un réseau ferroviaire, piloter un avion…

En s’appuyant sur des outils comme l’EEG (électroencéphalographie), le suivi oculaire ou les capteurs physiologiques, les chercheurs peuvent mesurer en temps réel l’attention, la charge de travail mentale, le stress ou la fatigue. Le but ? Adapter les systèmes aux capacités et aux limites cognitives de l’humain, en particulier dans des secteurs critiques comme l’aéronautique, la santé, le nucléaire ou la défense.

Ce que la neuroergonomie change concrètement dans l’aviation

L’aviation commerciale est l’un des secteurs les plus avancés technologiquement et les plus réglementés au monde. Les cockpits modernes intègrent des systèmes d’automatisation complexes destinés à alléger la tâche des pilotes. Mais ces systèmes, conçus pour réduire l’erreur humaine, peuvent paradoxalement en créer de nouvelles.

« L’automatisation peut conduire à une forme de relâchement de la vigilance », explique le Pr. Dehais. « Elle éloigne les pilotes du processus décisionnel, jusqu’à ce qu’un événement inattendu les oblige à reprendre le contrôle dans l’urgence. »

Ces situations de désengagement cognitif (out-of-the-loop) posent de redoutables défis. En cas d’anomalie (météo, capteur défaillant, incident technique) le pilote doit rapidement reprendre conscience de la situation, traiter des informations parfois floues ou contradictoires, et décider en quelques secondes.

C’est précisément à ces moments critiques que les recherches de Frédéric Dehais s’intéressent.

La surdité attentionnelle : quand le cerveau « entend » sans écouter

L’un de ses travaux les plus marquants porte sur un phénomène méconnu mais aux conséquences potentiellement graves : la surdité attentionnelle (inattentional deafness).

Alors que la cécité attentionnelle (le fait de ne pas voir un stimulus visuel sous surcharge cognitive) est bien documentée, le Pr. Dehais a démontré que l’on peut aussi ne pas entendre un signal sonore, même clair et familier, lorsque l’attention est saturée.

Dans des simulations de vol, certains pilotes absorbés par des tâches visuelles complexes n’ont pas réagi à des alarmes ou messages sonores. Les enregistrements EEG ont montré que le signal avait bien atteint le cerveau, mais n’avait pas été traité consciemment.

Conséquence : s’appuyer uniquement sur des alertes sonores peut s’avérer insuffisant en situation de stress. Des systèmes d’alerte multimodaux, capables d’adapter leurs signaux au niveau de charge mentale du pilote, pourraient améliorer considérablement la sécurité.

De la recherche au cockpit : vers des systèmes intelligents et adaptatifs

Le Pr. Dehais ne se contente pas de pointer les dysfonctionnements. Il travaille également à la mise en œuvre de solutions innovantes.

Première piste : les technologies neuroadaptatives. Ces systèmes analysent en temps réel des indicateurs physiologiques (activité cérébrale, fréquence cardiaque…) pour évaluer l’état cognitif du pilote. En cas de surcharge, le système peut simplifier l’affichage, filtrer les alertes secondaires, ou changer le mode de communication.

Autre piste : l’intelligence artificielle embarquée. Des copilotes virtuels, capables d’analyser les comportements des pilotes et de leur fournir une assistance contextuelle et personnalisée. Loin de remplacer l’humain, ces IA visent à renforcer sa vigilance et sa capacité d’anticipation.

Ces innovations reposent sur une approche résolument pluridisciplinaire : le Pr. Dehais collabore avec des ingénieurs, informaticiens, psychologues et même philosophes pour traiter les dimensions techniques, éthiques et pratiques de ces nouveaux outils cognitifs.

Une nouvelle frontière pour l’assurance : le risque cognitif

L’erreur humaine intervient dans environ 70 % des accidents. La majorité d’entre elles impliquent des défaillances cognitives: surcharge mentale, distraction, erreurs de perception, fatigue décisionnelle…

Pour le secteur de l’assurance, ces données sont précieuses. En comprenant comment et pourquoi ces erreurs surviennent, les assureurs peuvent affiner leur évaluation des risques, et proposer des offres mieux ciblées.

Demain, la neuroergonomie pourrait permettre une modélisation plus fine du risque, en intégrant des indicateurs physiologiques et comportementaux dans les modèles actuariels. Les compagnies aériennes qui investissent dans des systèmes neuroadaptatifs pourraient ainsi bénéficier de conditions d’assurance avantageuses.

À court terme, cela ouvre la voie à des programmes de formation pilote plus adaptés, intégrant les profils cognitifs individuels dans les cursus réglementaires. À moyen terme, c’est toute la culture de la prévention des risques cognitifs qui pourrait évoluer.

Les enseignements issus des travaux du Pr. Dehais ne s’appliquent pas qu’à l’aviation. Transport routier longue distance, contrôle aérien, santé, sécurité industrielle : tout domaine reposant sur la vigilance humaine peut tirer parti des outils et cadres issus de la neuroergonomie.

Vers une aviation plus intelligente, plus sûre, plus humaine

À l’heure où les systèmes aéronautiques deviennent toujours plus complexes, l’intégration des neurosciences dans la conception des cockpits et la formation des pilotes devient essentielle.

Le message du Pr. Dehais est clair: la technologie seule ne suffit pas. Au cœur de la sécurité, il y a et il y aura toujours l’humain.

En tant qu’assureur de près de 90 % des compagnies aériennes et partenaire historique du secteur, nous sommes convaincus que l’analyse du facteur humain, alliée aux dernières avancées scientifiques, peut contribuer à construire une aviation plus sûre, plus résiliente… et plus durable.

 

Pour en savoir plus sur les recherches du Pr. Frédéric Dehais et le soutien du Fonds AXA pour la Recherche :


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